Féministe
Il y a un peu plus de 3 mois, je m’étais promis d’écrire sur le féminisme.
J’ai fait mes devoirs de maisons, j’ai noirci des pages de brouillon. J’ai structuré, déstructuré, restructuré mes argumentaires. J’ai compilé des chiffres, identifié des auteurs et personnalités sur le sujet.
Mais au moment d’écrire, le vide. Un vide intersidéral.
Comment moi, un homme, je pourrais traiter correctement ce sujet ?
Je pouvais écrire sur Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, Taytul Betul ou Djamila Bouhired, Winnie Byanyima et autres. Et donc essayer d’expliquer comment les hommes ont réduit/réduisent à une portion congrue la place des femmes dans l’Histoire (même en écrivant 1 article par semaine jusqu’à la fin de ma vie, je ne pense pas que j’aurai épuisé cette partie du sujet).
Passionné de linguistique, je pouvais élaborer comment la langue française a été masculinisé pour répondre à une logique patriarcale et sexiste.
Je pouvais mettre en évidence les impacts sociétaux (le fameux “alors tu deviens maman quand ?”, un exemple parmi d’autres), économiques et financiers, émotionnels, professionnels, physiques et psychologiques des inégalités de genre.
Mais le sujet du féminisme et ses enjeux est documenté chaque jour par les premières concernées, et aussi par les sciences sociales, économiques et ludiques. C’est un sujet sur lequel j’apprends chaque jour, un sujet complexe.
Par contre, ce qui n’est pas documenté, à ma connaissance, c’est mon féminisme.
Je suis féministe parce que je suis Noir.
En tant que Noir, je suis conscient de l’Histoire gravée dans mon ADN. Noir vivant en Occident, j’ai vécu, vis et vivrai les inégalités liées à ma carnation. Noir ayant voyagé, j’ai subi la discrimination raciale Noir ayant grandi en Afrique, j’ai vu des noirs discriminer d’autres noirs sous des prétextes fallacieux.
Et donc, parce que Noir, je ne saurai jamais tolérer que d’autres subissent des discriminations pour ce qu’elles sont.
Je suis féministe parce que je suis fatigué.
Je suis fatigué de la masculinité toxique. Comme avec les femmes, la société impose aussi ses critères patriarcaux aux hommes. Un homme ne pleure pas. Un homme est fort. Un homme est le “chef” de famille. Un homme ne peut pas être sensible. Un homme a toujours envie de sexe.
J’ai envie de pleurer quand je veux, où je veux, si je veux. Parce que pleurer ça fait du bien. Surtout en cas de goumin, en bouffant du nutella et en écoutant David Ramen.
Je ne suis pas fort. Loin de là. Autant physiquement (surtout physiquement) que mentalement, je craque très souvent. Je ne veux pas être chef de famille. Je veux être à la fois plus et moins que ça. Je veux être celui qui parfois décide, parfois pas. Celui qui gronde et se fait gronder. Celui qui réconforte ses enfants et se fait réconforter par eux. Je ne veux pas être chef mais membre d’une famille.
Parce qu’on n’apprend pas aux garçons à exprimer leurs émotions, ils ne savent pas le faire. Ils n’arrivent pas à mettre des mots sur leurs émotions, par là les identifier correctement. Ce qui entraîne une incapacité à se connaitre eux même, et à échanger, partager avec les autres. Me concernant, j’apprends à accepter mon extrême sensibilité, mes émotions comme éléments essentiels de ma personne et à me construire avec eux et autour d’eux.
Non, je n’ai pas envie de sexe tout le temps. Et si un homme vous dit qu’il en a envie tout le temps, il ment. De la même manière dont on ne peut avoir faim tout le temps, on ne peut pas avoir envie de sexe tout le temps. Sauf si on est malade. Et quand on est malade, on consulte un médecin.
Je veux mettre mon pull rose sans que des yeux plein de préjugés me scrutent. Et pour la petite histoire, la couleur bleue était la couleur associé au genre féminin à cause de la vierge Marie. Et le rose, parce que dérivé du rouge, aux garçons.
Je suis féministe parce que je suis curieux
Ma curiosité est ma plus laide qualité/mon plus beau défaut. Je suis curieux de tout, curieux des femmes en particulier et de leurs corps plus spécifiquement.
Je souhaite savoir si elles vivent les ruptures comme nous, les émotions comme nous. Je souhaite avoir leurs opinions sur le monde dans lequel nous vivons. Se priver de l’opinion, du savoir d’un peu plus de la moitié de l’espèce humaine est suicidaire.
Je veux savoir si je donne du plaisir sexuellement. Pas dans une logique de performance, mais dans une logique de partage, de connexion. Et ça passe par une meilleure éducation culturelle et sexuelle (Vive le clitoris !). La question du consentement étant centrale et capitale ici. Ce doit être l’un des fondamentaux de l’éducation.
Je suis féministe de par mon éducation
L’éducation donnée par ma famille et celle que j’ai acquise ont fait de moi un utopiste. Je crois férocement que le monde peut être meilleur uniquement et uniquement si nous nous intéressons sincèrement les uns aux autres, et voulons leurs bien-êtres. Ceci ne peut arriver en excluant les femmes.
Je suis féministe parce que je suis égoïste et paresseux
J’ai une filleule. Je l’adore ma filleule. J’ai des cousines. Je remuerai cieux, terres et enfers pour elles. J’ai une future épouse. J’ai des amies. J’ai une mère, des tantes. Et parce que je suis paresseux, je ne pense pas être en mesure de subvenir à tous leurs besoins, leur offrir les vies qu’elles méritent. Mon égoïsme et ma paresse font que je me battrai de toutes mes forces pour que le genre ne soit jamais un obstacle à leurs accomplissements.
Et je suis féministe parce que c’est mon rôle
Ce n’est pas à moi homme de dire à une femme ce qu’elle doit penser, faire, être, comment s’habiller, etc. Mon rôle est d’accompagner, d’écouter, d’agir quand c’est nécessaire et utile. De détruire en moi et autant que possible chez les autres, les déchets machistes et misogynes.
Nous pouvons tous participer à rendre le monde meilleur. Parce que ne pas être féministe, c’est accepter que des inégalités existent. Et si des inégalités existent, elles finiront tôt ou tard par nous toucher parce que nous sommes tous différents selon le critère choisi (politique, religieux, sexuel, professionnel, etc). Les inegalités se nourrissent entre elles. D’où l’intersectionnalité des luttes. Lutter contre une inégalité, c’est lutter contre toutes les inégalités.
J’emprunterai à Descartes sa formule. Je SUIS donc je suis féministe. Le seul fait d’exister fait de moi un féministe. Et si je ne l’étais pas, je ne serai pas.
Ai je traité ce sujet légèrement ? Peut être. Mais je pense honnêtement que d’autres traitent ce sujet beaucoup mieux que moi. Je vous conseille si vous vous intéressez au féminisme , “les couilles sur la table” et “les gentilshommes”, deux podcasts excellents. Ou le compte Instagram “T’as joui ?”.
PS : je suis aussi féministe parce que je suis extrêmement fatigué d’entendre des “toi, il te faut une blanche” dès que je commence à parler féminisme avec des Noir.es. Surtout avec des Noires. Les femmes noires n’ont pas le monopole de la souffrance féminine. Mais nos sociétés africaines sont profondément misogynes, sexistes et patriarcales. (Ce qui est une aberration historique au regard des rôles et importances des femmes dans les sociétés traditionnelles.). Et quand j’entends les histoires de ma mère, de mes tantes, de mes amies, je suis déçu, frustré et triste que le “toi, il te faut une blanche” fasse partie des réponses de certaines. Déjà, parce qu’il ne me “faut pas”. Une relation de couple est d’abord un choix éclairé entre deux individus. Et puis je suis malheureux à l’idée de ne pas pouvoir reprendre la citation de Patrice Talon, mon président : “vous allez en souffrir mais vous ne pouvez rien faire”. Parce que certaines choisissent (inconsciemment) de souffrir même si elles pourraient/peuvent y faire quelque chose. A commencer par accepter qu’elles ont des carcans mentaux patriarcaux.